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Marché central de Sfax

Des halles qui périclitent à vue d’œil

 Le marché central de Sfax renvoie l’image peu reluisante d’une ville gagnée par le laisser-aller et donnant des signes tangibles d’essoufflement.
Il est difficile de privilégier un aspect particulier pour faire l’état des lieux au marché central de Sfax, car là où l’on promène son regard, les anomalies nous interpellent. Déjà, au premier contact visuel, l’on est inévitablement frappé par l’aspect vieillot des bâtiments : une façade décrépie, à peine couverte d’une peinture écaillée ayant subi l’effet du temps et de l’humidité, d’une couleur incertaine qu’on devine initialement blanche, du temps de sa splendeur, mais que l’agression des intempéries et la poussière ont fini par dénaturer. Il n’y a qu’à faire quelques pas vers l’entrée pour être saisi par l’impression d’abandon. En effet, en guise de portail, c’est une barrière hideuse, zébrée de chaînes truffées de cadenas qui arrête net le regard. A peine délivré de cette vision de misère, l’on se sent vite rattrapé par les signes d’une dégradation omniprésente. Les plafonds sont dénudés de place en place : des pans de crépis détachés donnent la mesure de la vétusté rampante de la bâtisse mais aussi des dangers potentiels pour les citoyens. Les barres de fer dénudées de la toiture témoignent de l’épaisseur des pans tombés d’une hauteur de plusieurs mètres, et par là même de l’ampleur du risque.
Dans ce décor qui figure l’usure et le laisser-aller, le bassin du jet d’eau occupe le centre du vaste patio. Cet ancien signe de raffinement, tari comme on le devine depuis belle lurette, incarne l’abandon et la désolation. Hédi Chabchoub, marchand de volailles installé depuis longtemps au marché, fait remarquer que le patio se transforme en une véritable mare aux moindres précipitations vu l’obstruction des caniveaux.

Incivisme rampant
Dans les galeries du fond et les galeries latérales, la qualité de la marchandise exposée contraste avec le désordre des étals : pour des raisons incompréhensibles, ces étals ont étonnamment empiété sur l’espace réservé aux clients, alors que naguère encore, les marchands se pliaient presque spontanément à la réglementation en vigueur.
Passe pour ces signes de dégradation, somme toute familiers dans la Tunisie post-Révolution, mais il faut jeter un coup d’œil sur le marché aux poissons attenant à la bâtisse pour être ahuri par l’ampleur du délabrement, avant d’avoir un brusque haut-le-cœur, le nez assailli par les odeurs nauséabondes du bloc sanitaire.

Grandeur et décadence
Pourtant le marché central de Sfax était un joyau d’architecture. L’arrêté municipal relatif à son édification remonte au 26 novembre 1932, à l’ère coloniale. Depuis le 1er juin 1933, il a accueilli une clientèle européenne installée à Sfax ainsi qu’une minorité de nantis autochtones européanisés, domiciliés au centre-ville. Après l’Indépendance, il a continué à être fréquenté par une majorité de coopérants, avant d’avoir une clientèle presque exclusivement sfaxienne, après le départ de ces derniers vers la fin des années 1970.

Chiffre d’affaires en berne
L’état lamentable du marché central de Sfax s’est négativement répercuté sur le chiffre d’affaires aussi bien de la trentaine de poissonniers que des quelque trente-cinq autres commerces de détail (fruits et légumes, produits laitiers, viandes blanches et rouges, épiceries, variantes, etc.).

L’interdiction qui fâche
Le comble, pour les commerçants, c’est d’être pénalisés par l’interdiction de stationner devant le marché, une prescription qui dissuade les clients de s’arrêter pour y faire leurs emplettes, afin de ne pas courir le risque d’enlèvement et de mise en fourrière de leurs voitures. Ajoutée à la récession économique qui frappe le pays de plein fouet, la défense de stationner ne fait qu’aggraver les choses pour eux, d’autant plus qu’ils acquittent des loyers de surcroît relativement élevés, de 1.500 à 4.500 dinars par mois, en fonction de la superficie des locaux exploités.
Mabrouk Ksontini, président de la délégation, justifie l’interdiction de stationner par la nécessité de libérer la chaussée pour les engins de livraison des marchandises aux commerces.

Restauration en 2017
Il annonce, toutefois, l’entame, au cours de l’année 2016, d’une étude destinée à déterminer les opérations de restauration des bâtiments ainsi que les coûts estimatifs des travaux dont l’exécution pourrait se faire en 2017.
L’action s’inscrit, selon le maire de Sfax, dans le cadre du programme global de restauration et de réaménagement des circuits de distribution, lequel a déjà profité, en 2015, au marché de gros de fruits et légumes (4 millions de dinars), au marché aux poissons(380 mille dinars en 2014), en plus des interventions — en cours au marché de gros de poissons — touchant les locaux administratifs et les bureaux des médecins vétérinaires et des commissionnaires mandataires. Et ce, dans le but de satisfaire aux normes sanitaires européennes et d’obtenir l’agrément d’exportation des fruits de mer vers l’Union européenne.
Le président du conseil municipal tient toutefois à rappeler aux commerçants du marché central qu’ils sont débiteurs pour les caisses de la municipalité d’arriérés considérables estimés à 350 mille dinars pour les poissonniers.

 

Ajili Taieb

La Presse

28/08/2016