Les cours mondiaux du pétrole n’ont de cesse de chuter atteignant leur plus bas niveau depuis quatre ans. Le pétrole coté à New York reculait à l'ouverture mercredi, et vers 14H15 GMT, le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en décembre cédait 1 dollar sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), à 76,94 dollars.
C'est une continuation de la tendance à la baisse à l'œuvre depuis le début de l'été et qui a fait perdre au cours du brut près de 30% de sa valeur, et il serait dans l’ordre des choses que le prix du baril descende jusqu’à 75 dollars.
Malgré la très forte chute des prix, les pays membres de l’OPEP ont récemment affiché leurs divisions sur ce sujet. Certains préfèrent réduire leurs prix à leurs clients afin de défendre leurs parts de marché. D'autres plaident pour une réduction de l'offre afin d'enrayer la glissade des prix de l'or noir.
Comme dans le même temps, la production de pétrole ne cesse d'augmenter aux Etats-Unis et qu'il faudrait que les prix descendent vraiment encore plus bas avant que cela devienne moins rentable pour les entreprises, on se retrouve dans un marché où la demande ne parvient pas à avancer au même rythme que l'offre. Les perspectives de demande étaient encore un peu plus assombries mercredi par les chiffres plus faibles que prévu de la production industrielle en Europe.
Les prix du pétrole continuaient d'évoluer à proximité d'un plus bas en quatre ans en cours d'échanges européens, toujours plombés par des fondamentaux baissiers, en l'absence de perspective d'une réduction du surplus d'offre sur le marché mondial.
La brusque baisse des cours du brut ces derniers mois après trois années de stabilité est-elle due aux seuls équilibres du marché? Peut-être pas. Certes, le ralentissement de l'économie mondiale, en particulier en Chine, "l'atelier du monde", contribue à freiner la demande. Certes, avec l'essor de leur production de pétrole de schiste, les Etats-Unis n'ont plus besoin d'importer d'or noir. Certes, le pétrole libyen et irakien a recommencé à couler abondamment, malgré le désordre au Moyen-Orient. Mais, le prix du pétrole stabilisé autour de 110 dollars le baril au début de l'été a perdu 30% en l'espace de quatre mois. Il a atteint son plus bas niveau depuis 2010.
Au rebours de ce qui pouvait être espéré normalement, cette vertigineuse et importante chute des cours mondiaux n’a pas été une aubaine pour les Tunisiens. Droit dans leurs bottes, les autorités ne semblent pas en avoir cure, allant même jusqu’à maintenir en l’état les augmentations des prix à la pompe, maintenant et plus tard. Bien plus, les pouvoirs publics continuent de se murer dans un silence qui n’a échappé à personne concernant cette remarquable détente dans les prix mondiaux, de crainte sans doute de devoir la répercuter sur les prix locaux. Seul le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari, a reconnu, du bout des lèvres et peut-être à son corps défendant, que « c’est une bonne nouvelle pour l’économie tunisienne », ajoutant que cette baisse tout autant que celle des produits alimentaires de base auront des répercussions positives sur le restant de l’année en cours et sur le budget de l’Etat pour l’exercice 2015.
Pour autant, ce constat sera-t-il suivi d’effet pour les consommateurs ? Toute porte à croire que cela ne devrait pas être le cas alors que la subvention des hydrocarbures au titre de la caisse de compensation est en hausse exponentielle et que le gouvernement se démène pour la ramener à des seuils tolérables.
Certes, l’augmentation de subvention est corrélé à des facteurs qui échappent ostensiblement à la maîtrise et au bon vouloir des autorités, tels que les cours du pétrole et la consommation, mais il existe un problème de fond qui entache toute l’architecture et la politique suivie en matière d’hydrocarbures. Cela se nomme gouvernance et gestion de risque. Des augmentations récurrentes et prohibitives des prix de l’énergie peuvent nuire désastreusement à l’économie nationale et à la paix sociale, dans la mesure où ces hausses ne peuvent qu’entraîner une baisse de la compétitivité de l’industrie tunisienne et une détérioration du pouvoir d’achat du consommateur tunisien, et partant, comme ce fut le cas pour l’année 2013, une baisse des recettes fiscales de l’Etat (impôts sur les sociétés, TVA et impôts sur la consommation).
N’aurait-il pas fallu gérer autrement les risques exogènes, singulièrement les cours mondiaux du pétrole en développant, par exemple, la capacité d’approvisionnement pour profiter au mieux de la baisse éventuelle du prix du pétrole sur le marché. D’autres outils financiers peuvent permettre à l’État de profiter de ces baisses fréquentes du prix du pétrole. De même, une augmentation de la capacité de négociation de l’administration, plus particulièrement la commission de planification de l’approvisionnement en gaz, peut réduire les coûts d’importation. L’optimisation des atouts de la Tunisie comme la position géographique (entre deux gros producteurs de gaz et de pétrole), ou le fort ensoleillement du territoire tunisien pourraient également permettre de réduire la facture énergétique.
S’y ajoute le fait qu’une partie de la consommation tunisienne en énergie primaire est produite localement, ce qui permet d’être non seulement moins dépendant de la fluctuation des prix sur le marché international, mais aussi de diminuer le coût de la consommation d’énergie, sachant que le gaz naturel est la source principale d’énergie primaire en Tunisie, soit 55%.
A cet égard, la question se pose de savoir pourquoi le prix du gaz naturel n’est pas pris en considération lors de la planification annuelle des dépenses de l’Etat. Il n’y est question que du prix du baril de pétrole.
AfricanManager